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Inscrit le: 07 Juil 2006 Messages: 25 Localisation: France
Posté le: 07-07-2006 14:51 Sujet du message: Une passion pour la micro-histoire
Histoires d'individus, d'anonymes, histoire familiale, la "petite" histoire me fascine.
Anecdotes, témoignages, passions, actes d'amour, de bravoure, d'héroïsme, de solidarité...
On a tous autour de nous des êtres qui pourraient ou auraient pu faire le sujet d'un livre ou d'un film...
Connaître son histoire familale, c'est aussi mieux se connaitre soi-même.
Pour se connaitre il faut savoir qui était vraiment ses parents, voir même, qui étaient les leurs...
Il y a tellement de choses qui nous sont léguées malgré nous.
À l'inverse il y a plein de choses que l'on ignore petit à petit, génération après génération :
Pourquoi notre famille s'est-elle installée dans cette région ou dans cette ville ? Pourquoi cette maison est la maison de famille, qui l'a acheté, quand, pourquoi ?
N'est ce pas dommage de répondre à la question "qui est ton grand-père" en une phrase ?
N'est-ce pas dommage qu'il ne reste plus pour certains de nos proches aïeux comme seul souvenir de leur passage sur cette terre que 2 dates sur une pierre tombale ou dans une généalogie ? Qui pourrait dire qui il est en une phrase.
Et puis quand on raconte son histoire, on se raconte jamais en valeur absolue, on fait toujours référence à une époque, des modes, des habitudes, des lieux, des événements sociaux ou d'actualité...
La petite histoire est très importante. Un philosophe africain, Empate Bâ disait que "lorsqu'un homme meurt, c'est comme une bibliothèque qui brûle", même s'il parlait en fait de la civilisation africaine, dont la tradition est principalement orale, quand nous perdons l'un de nos ainés, n'est pas un pan entier d'histoire qui part en poussière ? _________________ « Au récit continu des batailles, des traités, des intrigues, à l'histoire trépidante des héros devrait succéder l'histoire des inconnus de la terre, par qui se fait aussi l'Histoire. »
Fernand Braudel
Bien sûr....l'histoire des gens est fascinante. il y a des richesses dans les récits oraux qui sont faits par nos parents, nos grands-parents....J'adorais écouter mon grand-père raconter la guerre de 14-18.....pour une enfant c'était fascinant.....quant à ma grand-mère, j'aimais bien quand elle parlait de son enfance au milieu des champs lorsqu'enfant elle aidait à moissonner....ce sont de beaux souvenirs....oui, ce serait bien de pouvoir écrire tout ça.... _________________
Inscrit le: 07 Juil 2006 Messages: 25 Localisation: France
Posté le: 07-07-2006 15:15 Sujet du message: Le fameux "il faudrait l'écrire"...
Petit, j'entendais mes parents dire "il faudrait noter ou l'enregistrer" quand mon arrière grand-mère racontait sa vie et son exode de Russie... Et devinez quoi, personne ne l'a jamais fait et aujourd'hui il ne me reste plus que des bribes d'histoires qui s'appauvriront encore à la génération suivante... au final on a un phénomène de téléphone arabe transgénérationnel et l'onperd la trace de notre histoire familiale.
D'où l'origine du projet biobble... _________________ « Au récit continu des batailles, des traités, des intrigues, à l'histoire trépidante des héros devrait succéder l'histoire des inconnus de la terre, par qui se fait aussi l'Histoire. »
Fernand Braudel
c'est une bonne idée...mais encore fait-il avoir encore ses grands-parents et ses parents...nous qui sommes sur un forum de retraités , nous les avons perdu à jamais...enfin pour certains...En ce qui me concerne, il ne me reste que ma mère....c'est pour ça que je lui fais raconter quand je la vois.
Par contre, mon époux a eu la chance que sa maman tienne un carnet de ses histoires. il est en train de les taper sur word...et on apprend des choses surprenantes..... _________________
quand j'étais petite, je voyais mon grand père paternel toujours avec un petit carnet à la main ! après le déces de sa femme, quand il venait passer quelques jours à la maison, il était toujours en train d'écrire , sur un tout petit carnet et quand je lui demandais ce qu'il écrivait, il me répondait : ma vie !!
je voulais lire et il disait : plus tard, quand je serais mort
c'est ce qui est arrivé un jour, et mes parents et oncles se sont partagé ses affaires et lorsque mes parents sont partis à leur tour, en triant les affaires, j'ai retrouvé les 12 derniers carnets numérotés de de 24 à 36 !
j'ai passé une journée à les lire et j'ai pu imaginer sa vie ! il avait tout noté : de ses achats de piles , avec les prix, aux courriers qu'il avait reçu et envoyé mais aussi ses états d'âme, les naissances, les décés !
je les ai encore, après les avoir prété à un neveu qui fait notre arbre généalogique et qui a pu retrouver des tas d'informations !
on devrait tous laisser des traces de notre passage pour nos descendants !
je voulais le faire et pourtant, je ne m'y suis jamais mise ! dommage _________________ la journée la plus perdue d'entre toute est celle où l'on n'a pas ri
Inscrit le: 07 Juil 2006 Messages: 25 Localisation: France
Posté le: 07-07-2006 15:54 Sujet du message: Il n'est jamais trop tard pour s'y mettre !
Aujourd'hui on se dit c'est trop tard pour nos grands-parents, peut-être pour nos parents, mais pas pour nous ! Et nous sommes aussi des parents, peut-être des grands parents, des arrières grands-parents...
Il faut bien débuter un jour ! Être le premier à...
Un proverbe de Confucius dit "celui qui a déplacé la montagne c'est celui qui a déplacé la première pierre" et je crois que c'est le bon sens ! _________________ « Au récit continu des batailles, des traités, des intrigues, à l'histoire trépidante des héros devrait succéder l'histoire des inconnus de la terre, par qui se fait aussi l'Histoire. »
Fernand Braudel
Inscrit le: 17 Jan 2006 Messages: 2631 Localisation: tout prés de là
Posté le: 07-07-2006 17:59 Sujet du message:
oui mon pére avait 5 fréres et une soeur ,j'ai toujours entendu dire il faudrait écrire nos histoires car un de mes oncles était le roi de la gaffe et grâce àlui les réunions de famille était des rires sans fin.Il est mort comme 4 de ses féres et il reste encore ma génération pour raconter les plus grosses bétises de ce tonton mais aprés !!!!!!!!!!! dommage que l'on y pense pas ,que l'on ne prenne pas le temps de le faire.j'adore les romans du terroir ceux qui nous racontent des vies simples de gens simples u
uston..je suis comme toi. mes auteurs préférés sont ceux qui ont écrit sur le terroir...j'adore Michelet..Jean Anglade...j'ai beaucoup lu d'eux.... _________________
Inscrit le: 17 Jan 2006 Messages: 2631 Localisation: tout prés de là
Posté le: 07-07-2006 18:11 Sujet du message:
c'est mes livres de chevet ,mon pére 82ans ,ma mére 79 ;lisent assidument tous ses romans et les commentent ,toute leur vie dans ses romans ,mon pére retrouve ses racines ;son pére ,sa mére ,enfin tout ce qui aujourdhui a disparu car notre société a fait un pas de géant.je crois que c'est peu être àcause de celà que nous voyons aujourdhui une société perdue et des jeunes en déroute tout va trop vite même la cuisson des pâtes se font en 3mn!!!!!!!!!!!!!!!!!! bon je file faire cuire mes pâtes mais en 11 mn ,je suis vieux jeu!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Inscrit le: 07 Juil 2006 Messages: 25 Localisation: France
Posté le: 07-07-2006 19:02 Sujet du message: et Pagnol !
Lui aussi il a su écrire la vie rurale ! _________________ « Au récit continu des batailles, des traités, des intrigues, à l'histoire trépidante des héros devrait succéder l'histoire des inconnus de la terre, par qui se fait aussi l'Histoire. »
Fernand Braudel
tu as raison alecse...........ma grand-mère m a raconté pleins d histoires vendéennes..............celle de sa famille..........bien j en parle à mes enfants..........car ils n'ont pas l'impression d être d origine vendéenne.........alors je leur rappelle...........
et, mon mari lui..........parle des NORMANDS _________________ poete_musika..4 mains
J'ai longtemps demandé à mère d'écrire ses "mémoires", en particulier les années durant lesquels elle avait été résistante : toutes ses histoires vécues, drôles et émouvantes que je confondais souvent et dont les détails m'échappaient... Quelques années avant sa mort, j'ai compris qu'elle ne le ferai pas : les souvenirs étaient trop brûlants, sa discrétion trop grande.
Je lui donc demandé de raconter chaque histoire et, pendant plusieurs jours, j'ai tout noté. On relisait ensemble. Elle précisait certains points, corrigeait les noms... Elle trouvait tout cela 'un peu ridicule" mais voulait bien participer pour me faire plaisir. Elle m'a remercié quelques mois avant sa mort de l'avoir aidée à rédiger des souvenirs qu'elle perdait au fil des jours.
C'était en 1981...
Mes petits-enfants n'étaient pas nés.
Aujourd'hui, je leur lis les hisoires de leur arrière-grand-mère (qui ne parlent pas que de la résistance mais aussi des petits événements de la vie, du quotidien, d'une époque qu'ils n'ont pas connu, de la rencontre de mes parents à partir de laquelle on pourrait écrire un roman...) et ils m'écoutent avec passion !
Dernière édition par liliane.db le 08-08-2006 22:07; édité 1 fois
tu as bien eu raison de faire ça...iAujourd'hui ta famille en profite....Il lme semble que j'ai beau fouiller dans ma mémoire, j'ai du mal à me souvenir des dates....et de mon enfance en totalité...des choses me reviennent par bribes, mais de façon décousue.... _________________
J'ai longtemps demandé à mère d'écrire ses "mémoires", en particulier les années durant lesquels elle avait été résistante : toutes ses histoires vécues, drôles et émouvantes que je confondais souvent et dont les détails m'échappaient... Quelques années avant sa mort, j'ai compris qu'elle ne le ferai pas : les souvenirs étaient trop brûlants, sa discrétion trop grande.
Je lui donc demandé de raconter chaque histoire et, pendant plusieurs jours, j'ai tout noté. On relisait ensemble. Elle précisait certains points, corrigeait les noms... Elle trouvait tout cela 'un peu ridicule" mais voulait bien participer pour me faire plaisir. Elle m'a remercié quelques mois avant sa mort de l'avoir aidée à rédiger des souvenirs qu'elle perdait au fil des jours.
C'était en 1981...
Mes petits-enfants n'étaient pas nés.
Aujourd'hui, je leur lis les hisoires de leur arrière-grand-mère (qui ne parlent pas que de la résistance mais aussi des petits événements de la vie, du quotidien, d'une époque qu'ils n'ont pas connu, de la rencontre de mes parents à partir de laquelle on pourrait écrire un roman...) et ils m'écoutent avec passion !
Merci Chouchoute pour ta remarque. Je cherche à ce que ma famille puisse en profiter au mieux :
Je relis de plus en plus ses notes (il y en a plusieurs cahiers). C'est superbe. Pleins d'histoires oubliées, de détails perdus. Je ne sais pas trop quoi en faire. Si je les laisse dans ses cahiers, j'ai peur que cela se perde.
Avez-vous une idée?
bonjour liliane
je viens de lire tes écrits,
je ne les avais pas vu.........
tu ne peux laisser.......ces souvenirs de ta maman.......
il faut les faire éditer.........ou demander à une association de la faire,......
ce serait trop dommage........et ce serait perdre la mèmoire de ta maman........
tu pourrais peut être nous ouvrir une petite rubrique
quelque part, et nous en faire profiter, si tu veux
j'ai savoir pleins de choses sur cette époque.....
merci à toi de tes confidences....... _________________ poete_musika..4 mains
C'est vrai Liliane, je viens de lire ton écrit, après 15 jours de panne...
Tu écris bien, pourquoi ne pas remettre tout en ordre toi-même, soi sur de grands cahiers, soi à l'aide de ton ordinateur...
A la suite, tu pourrais parler de ton enfance, de tes enfants et petits enfants...libre à eux de continuer ce que tu auras laissé.
J'aurais bien aimé avoir ce que tu as entre les mains, de la part de ma famille.
Je suis à la retraite depuis 5 mois et cette idée me trotte dans la tête de coucher sur papier tous les souvenirs de ma vie, depuis mon enfance.
Et j'ai beaucoup de souvenirs de la vie à la campagne avec mes grands-parents, avec, comme l'écrivait Uston, le souvenir de toutes ces choses qui ont disparu. _________________
" Le bonheur ne court pas le monde; il faut vivre où l'on est heureux "
Posté le: 03-09-2006 15:39 Sujet du message: Merci
Merci beaucoup pour vos remarques et votre soutien!
Je vais y réfléchir. La difficulté, c'est que ce ne sont pas mes souvenirs. Comment les transmettre fidèlement? Comment les rédiger?
Je vais devoir effectivement, je crois, raconter parallèlement mon propre parcours, ma relation à ma mère et ma vie de femme, mère et grand-mère pour que tout cela prenne sens.
Mais il y a toujours une pudeur, un peu idiote peut-être qui me ralentit (bien que j'ai conscience de la préciosité de tels témoignages). En réalité, ce n'est pas de la pudeur mais simplement de la peur.
Merci encore de votre soutien. Je vous tiens au courant... Ce n'est pas une décision facile...
Amitiés,
liliane
Posté le: 03-09-2006 15:45 Sujet du message: Argument
Un argument qui me soutient :
J'ai tellement souhaité, petite-fille surtout, connaître mon grand-père mort en 17. J'ai tellement pleuré... Si seulement j'avais eu ses souvenirs...
J'image le bonheur de lire et relire ses mots, son histoire, sa vie.
Posté le: 05-09-2006 14:53 Sujet du message: Besoin de vos avis!
Bonjour,
je vous écris car j'ai besoin de vos avis...
Je viens de découvrir (par un annuaire) un site qui réalise ce qu'ils appellent des "films de vie". Je ne connaissais pas du tout. L'idée est très tentante par rapport à mon projet. Voici l'adresse du site :
http://www.tzarine-films.com
Qu'en pensez-vous?
Je trouve leurs extraits très réussis.
Je me dis que, dans un film, je pourrais peut-être plus facilement que dans un livre raconter ma relation à ma mère...
ET pour mes petits-enfants, c'est peut-être plus accessible.
Cela n'empèche pas que j'écrive un jour, au contraitre même...
J'hésite...
tu as bien de la chance liliane d'avoir tous ces souvenirs , car je n'ai jamais connu mes grands parents et je crois que j'aurais adoré les entendre me parler de leur vie , ma mére qui est aussi décédée m'en a un peu raconté mais la mémoire est faillible c'est pourquoi je notes sur word qui se passe tles jours car nous oublions vite _________________
Tout vient à point à qui sait attendre!
oui........je vous comprends il faut noter......et sur du papier, parceque l ordinateur peut sauter.......et voilà plus de souvenir....... _________________ poete_musika..4 mains
Dernière édition par musika le 23-11-2006 10:04; édité 1 fois
Posté le: 06-09-2006 08:55 Sujet du message: Souvenirs
Merci pour vos réponses.
Ce que je trouve superbe dans les extraits sur leur site, c'est qu'en plus d'avoir le récit, on a aussi la présence de celui ou de celle qui raconte.
Moi, je n'ai pas une photo de mon grand-père et j'imagine le bonheur d'avoir un petit film dans lequel il s'exprimerait.
J'ai parlé de l'idée d'un film à mes petits-enfants. Tous trouvent cela génial. Je crois que cela leur ferait très plaisir.
Mais j'aimerais aussi écrire un livre plus tard. C'est assez complémentaire au fond. J'ai commencé à rédiger les premières pages. Je me concentre sur mon enfance, les souvenirs de ma perception, mes parents, ma maison, l'atmosphère très particulière des années 40 dont je n'ai qu'un souvenir diffus...
Je me souviens qu'une fois, j'ai vu une dame enceinte passer dans la rue devant chez nous. Je devais avoir 3 ou 4 ans. Je regardais à la fenètre avec ma mère. C'était un matin d'Automne. Je n'avais jamais fait attention aux gros ventres. Curieuse, je demande : "Maman, pourquoi la dame, elle a un gros ventre comme cela?". Ma mère ne répond pas. Elle fait semblant de ne pas entendre. "Dis Maman, pourquoi la dame elle a un gros ventre comme cela?". Elle se retourne et lapidaire, me répond : "Qu'est ce que tu veux que j'en sache moi? Elle est grosse, c'est tout. Tu n'as jamais vu de grosse femme!". La discussionn était close. Je me demandais bien comment on pouvait être aussi grosse que ça, et juste du ventre! Je n'ai su que bien plus tard que la grosse dame que j'avais vu avait un bébé dans le ventre.
A cette époque, on ne disait pas tout aux enfants trop curieux...
Posté le: 09-09-2006 09:08 Sujet du message: Autobiographie
Bon... Après une longue réflexion... Ma décision est prise : c'est parti pour le film. Je prends une semaine ou deux pour tout rassembler (notes, souvenirs, photos...) et je me lance. On verra bien...
Inscrit le: 07 Juil 2006 Messages: 25 Localisation: France
Posté le: 09-09-2006 09:50 Sujet du message:
Bonjour à toutes et tous,
J'ai hésité avant d'intervenir dans la discussion pour ne pas donner trop l'impression que je prechais pour mon église...
Voici une autre manière de transmettre son histoire et celle de sa famille à ses descendants, sans risque que les supports s'altèrent ou que le carton "souvenir" ne s'égare dans un déménagement...
Merci pour votre réponse mais ce type de "biographie-CV" ne m'intéresse pas du tout. J'avais déjà lu vos précédents messages sur le sujet mais cela ne correspond pas à mon projet.
Merci encore,
cordialement,
Liliane
Posté le: 19-11-2006 14:03 Sujet du message: Votre film?
Bonjour Liliane,
je suis nouveau sur ce forum. Je viens de découvrir vos messages. Ils sont très beaux. J'ai récemment entendu parler de ces films autobiographiques.
Avez-vous finalement fait un film? et si oui, comment cela s'est-il passé?
Je trouve l'idée superbe. Votre témoignage m'intéresse beaucoup.
Merci d'avance!
et bravo à tous pour ce forum!
Cordialement,
Paul
Inscrit le: 02 Fév 2007 Messages: 308 Localisation: Var
Posté le: 18-02-2007 19:26 Sujet du message:
Bonjour à tous,
Ce que vous suggérez, Alecse, c’est ce que je me suis évertué à faire, pour mes enfants et petits enfants. Ainsi, à titre d’exemple, voila une histoire qui se déroule quelques semaines après l’armistice de 1940. J’étais alors jeune mécanicien dans l’armée de l’air. Je l'ai intitulée : "Les illusions perdues".
« Après l'armistice de juin 1940, qui sanctionnait la défaite de la France, mon unité fut partiellement dissoute et, avec bien d'autres, je fus muté à la base de Toulouse-Francazal.
Nous nous demandions tous à quelle sauce nous allions être dévorés. Les engagés pensaient que leur contrat allait être résilié. Les appelés et réservistes exigeaient leur libération immédiate.
En attendant nous étions occupés à des tâches très diverses. On m'avait chargé de réceptionner et de stocker, dans un des grands hangars de la base, le matériel d'habillement arrivant, chaque jour, des unités dissoutes. Il m'avait été demandé d'en tenir un inventaire. Tâche impossible.
Chaque matin une file de camions était en attente devant le hangar. Dès que j'ouvrais les portes les camions s'engouffraient dans celui-ci. Les conducteurs baissaient la ridelle arrière de leurs véhicules et, avec l'aide de leurs copains, poussaient le contenu à l'extérieur. Pas question de contrôler quoi que ce soit. Les conducteurs disaient attendre " La Quille " et n'en avoir rien à foutre.
Après plusieurs semaines le sol du hangar étant recouvert sur sa totalité les conducteurs se mirent à rouler sur les vêtements, afin de pouvoir déverser leur cargaison plus loin et plus haut. Ainsi, de jours en jours, se formait une sorte de colline de frusques s'étendant sur près de 1000 m².
Chaque matin un certain nombre de « quillards » était désigné pour " donner la main " lors du déchargement des camions. Comme ils pensaient être bientôt démobilisés ils profitaient de leur venue au hangar pour chaparder des treillis. Puis ils se rassemblaient, pour faire des essayages de leurs acquisitions, derrière la colline, dans une sorte de vallon.
Un matin, en me rendant " au travail " je fus interpellé par un fringant lieutenant qui me demanda où se trouvait ce qu'il appela le " magasin d'habillement ". Cet homme paraissait vivre dans un autre temps. Il avait revêtu une tenue que portaient certains officiers-pilotes avant les événements des derniers mois : Un ensemble en gabardine bleu marine comportant une veste classique et une culotte de cheval. Le tout complété d'une paire de bottes rutilantes de couleur noire. Il me parlait d'un ton péremptoire en frappant ses bottes à l'aide de son stick.
Voulant lui indiquer ou se trouvait le " magasin d'habillement " je lui dis : " Mon lieutenant les vêtements se trouvent dans le troisième béconard ". Il devint furieux et me reprocha vivement de lui manquer de respect parce que l'emploi du terme " béconard " n'était pas de mise dans une conversation avec un officier.
Il est vrai que le mot hangar aurait été plus approprié mais au sein du personnel d'entretien des avions il y avait des habitudes dont il était difficile de se débarrasser. Depuis des lustres la maison Bessoneau fabriquait des hangars en toile pour l'armée. Partant du mot " bessoneau " pour désigner ces hangars, on avait glissé doucement, avec le temps, au terme argotique "béconard" que nous utilisions pour désigner un hangar, qu'il soit en toile ou en dur.
Après cet incident je conduisis l'officier au hangar dont j'avais, en principe, la responsabilité. Je pensais que le ciel allait me tomber sur la tête.
Lorsque le lieutenant se trouva en face de l'inimaginable et monstrueux tas de vêtements il resta figé, cessant de battre ses bottes avec son stick. Tout cela dépassait son entendement….
Je m'attendais à le voir exploser mais rien ne vint.
En regardant les réservistes hilares balancer à coups de pieds, hors des camions, les paquets de tenues de l'armée de l'air, sans se soucier de sa présence, il avait sans doute compris que les temps n'étaient plus aux certitudes inébranlables……Peut-être même venait-il seulement de réaliser que nous venions de perdre une guerre. »
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