Retraite Active Index du Forum Retraite Active
Ce forum s'adresse à tous les retraités et futurs retraités. Les membres de ce forum ont la possibilité de discuter de tous leurs centres d'intérêt que ceux-ci soient les voyages, les loisirs ou l'actualité, entre autres.
 
 FAQFAQ   RechercherRechercher   Groupes d'utilisateursGroupes d'utilisateurs   S'enregistrerS'enregistrer 
 ProfilProfil   Se connecter pour vérifier ses messages privésSe connecter pour vérifier ses messages privés   ConnexionConnexion 

Maguy... suite !

 
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    Retraite Active Index du Forum -> litterature
Voir le sujet précédent :: Voir le sujet suivant  
Auteur Message
Jan Goure



Inscrit le: 18 Juil 2006
Messages: 1865

MessagePosté le: 11-03-2007 11:22    Sujet du message: Maguy... suite ! Répondre en citant

Cette fois nous sommes restés enlacés ( emboîtés on peut dire ! ) et nous avons enfin parlé…


*

Je reviens chez la madame Claude, pardon, madame Em-ma, de la villa des roses. J’ai entendu les histoires racontées par les autres, Lulu, Lydie… mais je m’en tiens à Maguy qui dés ce premier soir m’en a raconté un bout, en ajoutant à chaque fois, jusqu’à ce que finalement je connaisse toute son histoire !

En réalité elle s’appelait Paule D…, originaire du sud ouest. Un village des Landes dont je ne retrouve plus le nom. Père artisan boulanger, mère au comptoir. Le brevet élémentaire passé, elle avait ajouté une année d’école Pigier : sténo et comptabilité. Des cours à Mimizan
Où elle allait en car. Mais servant dans la boulangerie familiale dés qu’ayant un instant de liberté, elle s’était résignée à cet emploi…

Fin 1940 à la débâcle, elle avait 20 ans et ‘fricotait’ ( son expression ) avec un jeune de la bande du village, mais ses parents ne le trouvaient pas assez bien ( de famille aisée ! ) pour elle. Ils avaient été plusieurs à « se mettre dans la tête de partir en Angleterre chez De Gaulle… » Finalement 3 garçons et 2 filles, dont elle, avaient mis leur projet à exécution.
L’un d’eux connaissait une filière Espagnole dont il parlait la langue ainsi que la langue Basque, ils avaient traversé l’Espagne sans se faire prendre. Alors que mal dirigés ou partis ‘aux fraises’ tant de Français se retrouvaient des mois en camp de concentration…

A Gibraltar, accueil délirant. Bien plus réticent dés l’arrivée en Angleterre où l’on filtrait ces arrivées. Finalement, je reproduis assez fidèlement ses dires, je crois : « Chez De Gaulle où il n’y avait pas encore grand monde, on a été vite incorporés. J’ai demandé à suivre un stage d’ambulancière : conductrices d’ambulances, premiers soins, transports des blessés… »
………………………………………………………………………………………………..


J’abrège, car on n’en sortirait plus, tellement il me revient tout ce qu’elle m’avait raconté sur sa vie en Angleterre bombardée jusqu’à son envoi au Tchad fin 41, affectée comme ‘Rochambelle’ dans la colonne Leclerc…

[ On appelait ainsi les ambulancières aux ordres du lieutenant féminin, puis capitaine Rochambeau qui a par la suite épousée le capitaine Massu qui deviendra général par la suite ]

C’est en Cyrénaïque où elles étaient cantonnées prés d’un aérodrome, qu’elle même avait connu l’adjudant Armand F… pilote de chasse sur spitfaere qui est devenu son mari en 1944 seulement, et parce qu’à la suite d’une permission qui les avait réunis à Tunis libéré, elle s’était retrouvée enceinte ! Sa fille était née en 44 donc, dans un centre militaire de recueil spécialisé d’Alger. Elle n’avait donc pas participé à la campagne de France de l’armée Leclerc, mais était rentrée chez elle en 1945, dés la région de Bordeaux libérée.

Puis son mari était venu les chercher en fin 45 : Passé officier pilote, il était affecté à l’escadrille de chasse de la Sénia prés d’Oran. CQFD, voilà comment elle s’était retrouvée dans cette ville.
Je la cite :
-Armand depuis qu’il était lieutenant n’était plus le même. Notre ménage a ‘battu de l’aile’
( C’est le cas de le dire pour un pilote ? )
En 46, il a été muté en Allemagne. Je n’ai pas voulu suivre et nous avons convenu de divorcer. J’avais déjà un ami, mais quand il s’est rendu compte que je redevenais libre, il s’est défilé… C’est par une ‘Copine’ la femme d’un capitaine qui venait arrondir ses fins de mois ici, pour se payer des extras, que j’ai connu l’existence de la villa des roses. Je n’avais pas envie de retourner dans ma famille, et pas de métier. Ce que nous avons fait comme ambulancières militaires ne m’ouvre qu’aide infirmière et pas une grosse paye. Comme ça, j’ai la pension payée par mon ex, capitaine maintenant qui a déjà refait sa vie. Et sur ce que je gagne ici, rien à déclarer !

*


J’en reviens à cette première soirée à Ekmull. Un peu avant 22 h, la chère Maguy m’a dit :
-Tu m’as fait passer un bon moment. Ce qui m’attend me paraîtra encore moins drôle que d’habitude… Tu reviendras bientôt ?
Mon « oui » n’était pas très convaincu. Je me disais : dommage mais trop cher…
Elle m’a accompagné au rez de chaussée, et m’a quittée de l’autre côté du couloir devant une petite pièce qui donnait sur l’arrière de la villa. J’y ai retrouvé mes deux compères… en pleine mastication ! Il y avait un comptoir, et derrière officiait l’employée qui nous avait piloté vers les chambres
[ Cette employée était une petite grosse au visage ingrat : un air de deux airs qui ne lui permettait pas de faire partie de ces ‘Dames’ ! ]
Mes copains étaient hilares et devant un verre de mascara ( rouge, genre Bordeaux titrant 14° au moins ) ils dégustaient ce qu’on appelle en Espagne des tapas, et là bas, c’était des Kémias ( mot dérivé de l’arabe dialectal : petite quantité )

Nous n’avions pas soupé, c’est vrai. J’ai préféré une orangeade mais quel régal ces petits pâtés, toasts à la ‘soubressade’
( chorizo ) sardines grillées ; petits calamars ( sipions ) avec sauce un peu relevée… etc…
A la fin, j’ai cru bon de demander combien l’on devait :
-Non, non, c’est madame Emma qui m’a dit de vous servir tout çà…

Nous avons quitté les lieux par un petit portail qui donnait dans une autre rue que celle d’arrivée. Il était plus de 22h30, nous savions qu’en prenant le trolley nous ne serions pas place centrale avant 23 h passés, et le dernier car pour la Sénia parti…
Tonio nous a dit :
-D’en ville c’est 11 km à pied… mais en partant d’ici on coupe par ‘le village nègre’ et on contournera la ‘chebka’ ( grand lac salé bordé de berges plates, rocailleuses, sans végétation ) : 6 km au plus !

Oui, mais dés qu’arrivés dans ce ‘village nègre’ (c’était son appellation ! ) en réalité des petites maisons basses, des ruelles sansnom… on s’est perdus ! A un burnous blanc accroupi dans un coin, avec en sus le blanc de deux yeux sous la capuche, j’ai demandé en arabe comment rejoindre la route de la Sénia …
J’entends encore sa réponse dans ma tête :
-Rhakoum mahbouls entouma ? ( Vous êtes fous vous autres ? )
Bon, le reste je le traduis en français :
-C’est dangereux…je vais demander à mes deux fils de vous accompagner….
Il les a hélés, une petite lumière éclairait la pièce de la maisonnette d’où sont sortis un jeune homme et un gamin noirs
( maintenant il faut dire blacks ? )
Chacun avec une trique à la main, ils nous ont accompagnés sur les deux ( ou trois ) kilomètres qui nous séparaient de la chebka. Eux parlaient français et ils ont fait des manières avant d’accepter un billet de vingt francs chacun…

La pleine lune éclairait l’étendue pierreuse à reflets blancs ( sel ) au loin, de l’autre côté on voyait la mer : impossible de se tromper ! Durant cette traversée, mes souvenirs de lecture des « carnets de René Mouchotte » me sont revenus…

Sur cette base que nous voulions atteindre, en juin 1940 après la défaite, le repli d’une aviation
Française intacte sur les bases d’A.f.n. Le discours du 18 juin du Général de Gaulle depuis Londres, invitant à ‘résister’, et à le rejoindre,avait inspiré beaucoup de jeunes pilotes qui rongeaient leur frein sur ces bases. Mais les officiers supérieurs, avec les directives Pétain, ne l’entendaient pas de cette oreille…

Le sergent René Mouchotte et le sergent Charles Guérin qui sont devenus des héros dans la chasse Anglaise
[ Lieutenant Guérin descendu par la chasse allemande en 42, le commandant Mouchotte, chef d’escadrille pas revenu d’une mission en 43. Son corps trouvé sur les côtes belges ]
avaient repéré le goéland ( bimoteur entoilé, moteurs Renault ) du colonel, camouflé sous un hangar et pas livré au démontage comme la plupart des autres avions. Avec la complicité d’un mécano qui avait rempli les réservoirs et leur avait fourni une clef, ils sont montés de nuit dans cet avion après l’avoir fait sortir à la main du hangar.

Il y avait des voitures de sécurité qui roulaient ici ou là sur les pistes et autour des hangars, car d’autres avaient déjà tenté l’aventure, et la répression s’accentuait ! Ils étaient six, 4 aviateurs et deux jeunes officiers de l’armée de terre déjà déserteurs d’unités en débâcle qu’ils avaient accepté d’emmener. Ils avaient attendu jusqu’à 4 h du matin où la lune s’était enfin estompée derrière un brouillard qui se levait, lui.
Pas question de faire chauffer les moteurs. Bruit infernal, par d’autres arrivants plus tard, ils ont appris que la voiture de sécurité avec la mitrailleuse hotchkiss en position se dirigeait sur eux quand ils sont arrivés sur la piste. Eux roulaient au maximum possible pour ces moteurs encore froids et le bout de piste arrivait sans qu’ils puissent décoller vraiment… une retombée qui leur a permis au saut plus haut, le bout de piste passé, ils ont encore retouché le sol au bord de la Chebka deux fois avec un bruit de casse lamentable dans le train d’atterrissage …enfin l’avion s’est élevé péniblement d’une centaine de mètres. Il était temps, ils survolaient la mer…

Mouchotte et Guérin avaient déjà compris que les hélices avaient été bloquées au petit pas…(allure de croisière )
C’était délibéré et criminel de la part de ces autorités défaitistes qui suivaient aveuglément les premières directives Vichyssistes… Le décollage ainsi, c’était une voiture chargée qu’on voudrait faire démarrer en cinquième vitesse. Ils avaient un veau qui aurait du les faire s’écraser ! Leur décollage avait été un miracle…
Comme leur vol à 120 km/h sur un avion qui volait normalement à 250 km/h, et ce, pendant des heures pour rejoindre Gibraltar à quelques cinq cent kilomètres. Avec la peur au ventre qu’une paire de chasseurs Dewoïtine 520

[ Chasseurs modernes pour l’époque, supérieurs aux hurricane et fock Wulf, mais dont seule une escadrille avait pu être mise en opérations lors de la campagne de France ]

Ces avions qu’on lançait maintenant à la poursuite des fuyards, depuis Oran ou Rabat ne les avait pas retrouvés grâce à la couche cotonneuse dans laquelle ils volaient au ras des vagues !
En réalité, on demandait à des pilotes Français d’abattre d’autres pilotes Français et ils faisaient le maximum pour ne pas les trouver !
Comme le fait que réservoirs quasiment à sec, et avec hélices au petit pas, ne pouvant trop pencher sur l’aile, ils avaient fait un atterrissage sur un champ de courses après avoir essuyé le tir de mitrailleurs espagnols heureusement surpris par leur passage…

Cette histoire d’avion Goéland, m’en avait rappelé une autre que je leur ai contée. C’était fin 1944 à Ghardaïa. Un vieux monsieur, le seul docteur civil, avait fait une péritonite. Un avion sanitaire Goéland parti de Maison Blanche est venu gracieusement virevolter autour du Fort militaire en battant des ailes… Finalement ils avaient lâché dans la cour, un capuchon d’extincteur contenant un message : « Où se trouve l’aérodrome ? » Le météo m’avait apporté la réponse à envoyer : Aérodrome Aïn Ousserat, 20 km S W ( sud ouest ) piste en fech fech ( sable dur ) entre les deux palmeraies de la Daïa au nord, et El Atteuf au sud. Pas de biroute installée. Vent estimé au sol 30 milles direction SW.NE …

Oui, mais comment ? je ne connaissais pas la fréquence de travail de l’avion en OC ( ondes courtes ) et il ne connaissait pas la nôtre. Notre émetteur ne permettait pas de se positionner sur le 930 m, fréquence internationale de recueil air. C’est alors que j’avais pensé à l’ancêtre ! Ce matériel que j’avais retrouvé dans une des soutes des Trans. Monsieur Barataud, avait connu ça au temps des compagnies sahariennes d’avant guerre. Parce que j’étais curieux et par jeu, nous l’avions remis en état et essayé… avec pour résultat, vu que c’était un système à éclateurs ( arc entre deux électrodes comme sur les bougies de voiture ) pour émettre, il brouillait toutes les réceptions et sur toute la gamme !
Je l’avais remis sous tension et émis le message en l’air ( sans savoir si l’on est entendu ) mais le météo depuis sa tour avait hurlé :
-Il a compris, il a fait des battements d’ailes et il a pris la bonne direction…

Mais nous ce soir là, nous avions fini par atteindre le remblai de la voie de chemin de fer. De l’autre côté, c’était la route de la Sénia et encore un dernier kilomètre, puis s’introduire en douce sur la base et rentrer par ‘notre cochonnier’ habituel ! Il était 1 h du matin, le réveil se faisait à cinq heures moins dix et sortie de la chambrée pour le ‘dérouillage’ à cinq heures… Quelle forme ce matin là.
Au retour, le kilomètre cinq cent de galop, avec Gil on s’en est tirés mais Tonio a été bon dernier. Donc, chargé du lavage des sols, nous l’avons aidé….Aux exercices avec l’arme sur l’épaule et à l’hébertisme, nous avons été de vrais zoombies !

……………………………………………………………………………………………………………………….

Et ça ne s'arrête pas là... mais est-ce intéressant à lire ?

Jan
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Envoyer un e-mail
Annick



Inscrit le: 15 Aoû 2005
Messages: 14156
Localisation: Normandie et Bourgogne

MessagePosté le: 11-03-2007 14:07    Sujet du message: Répondre en citant

Mais oui, Jan, c'est intéressant à lire, et puis lit qui veut !

Sostène se sentait seul avec ses souvenirs, vous allez pouvoir partager.

Et puis il y a Papy Lulu qui connait aussi l'Algérie.

_________________

" Le bonheur ne court pas le monde; il faut vivre où l'on est heureux "
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Sostène 101



Inscrit le: 02 Fév 2007
Messages: 308
Localisation: Var

MessagePosté le: 11-03-2007 16:36    Sujet du message: Répondre en citant

Bien sûr Jan que c’est intéressant. La « petite histoire » de chacun d’entre nous vient en complément de la « Grande Histoire ». Concernant cette dernière Anatole France n’avait, d’ailleurs, pas une très grande estime sur la manière dont elle est rapportée. Citation :

« Y a-t-il une histoire impartiale ? Comment un historien juge-t-il qu'un fait est notable ou non ? Il en juge arbitrairement ».

Finalement, pour juger l’histoire les historiens sont à peine meilleurs que les politiciens.

Je n’étais pas présent au moment du départ de Mouchotte de La Sénia parce que je ne suis arrivé sur cette base qu’en octobre 40. Cependant, au cours de l'année 1941 trois pilotes du groupe de chasse1/3 : Albert, Lefèvre et Durand ont, au cours d'un exercice, quitté La Sénia et gagné Gibraltar avec leurs Dewoitine520.
Après un séjour en Angleterre les trois pilotes furent affectés au" Normandie-Niemen". Albert est le second as français avec 23 victoires. Il vit aux Etats-Unis. Lefèvre est décédé à Moscou en juin 1944 après avoir été grièvement blessé. Durand a disparu en combat aérien en septembre 1943.
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé
Jan Goure



Inscrit le: 18 Juil 2006
Messages: 1865

MessagePosté le: 12-03-2007 10:14    Sujet du message: Répondre en citant

Sostène,

Effectivement, faire le récit d'évènements vécus passe par le prisme de sa personnalité; et à la lecture, l'inverse en traversant le prisme de la personnalité du lecteur...
Ces pilotes dont tu parles, moi je les ai découverts dans "Les carnets de René Mouchotte" parus tels que retrouvés : Une mine pour qui s'est intéressé à l'époque. Et aussi, dans "Le grand cirque" de Clostermann,
l'as vivant en fin de guerre et qui a un grand talent de narrateur...
Revenir en haut de page
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé Envoyer un e-mail
Montrer les messages depuis:   
Poster un nouveau sujet   Répondre au sujet    Retraite Active Index du Forum -> litterature Toutes les heures sont au format GMT + 1 Heure
Page 1 sur 1

 
Sauter vers:  
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum
Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum

Les cles du midi retraite Plan retraite


Powered by phpBB © 2001, 2005 phpBB Group
Traduction par : phpBB-fr.com