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histoire vrai

 
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angel



Inscrit le: 28 Juin 2005
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MessagePosté le: 01-08-2005 13:40    Sujet du message: histoire vrai Répondre en citant

Histoire drôle et émouvante de deux femmes qui partagèrent la vie des soldats en première ligne


Ce Texte a été écrit par le Général-Major e.r. Temmerman, ancien combattant de la guerre 14-18, blessé grièvement en première ligne le 27 octobre 1918. Il parut sous le titre "Les bonnes vieilles de chez nous" dans un des six volumes intitulés "Tiroirs aux souvenirs" que cet officier écrivit au profil de l'association des P.G. M. I. G. (Plus grands mutilés et invalides de guerre).



Mieke Deboeuf, dite "La Joconde"

Lorsque notre régiment, le 7° de ligne, arriva le 12 janvier 1915, dans le secteur sud de Dixmude, face au château Hendrickx, grand fut notre étonnement d'y rencontrer, en première ligne, une petite vieille, bien ridée, qui y occupait toujours ce qui restait de sa maison en contrebas de la digue de l' yser. C'est le général De Wasch, à l'époque jeune sous-lieutenant, qui la baptisa aussitôt de ce surnom, fameux à plus d'un titre: "La joconde". En effet, à peine l'avait-il aperçue qu' il s'écria: "Tiens, voilà la Joconde qui est retrouvée."

Cette appellation fut bientôt consacrée et admise officiellement par l' Etat-Major pour désigner, sur le plan directeur du secteur, l'endroit de sa maison.

La bicoque de "la Joconde", de son vrai nom Mieke Deboeuf, encaissait régulièrement les 7 c. 7 allemands, mais l'amas de briques qui s'était accumulé sur la cave, lui procurait une sécurité relative. Ce qui n'empêchait pas la vieille femme de s' écrier, à chaque arrivée d' obus, dans son jargon westflandrien: "G...f...d., sm...p."

Les jasse lui avaient appris à tirer au fusil; après chaque bombardement, ils l' amenaient dans la tranchée de combat pour lui permettre de tirer une balle dans la direction de l' ennemi, accompagnée toujours de la même injure: "Na...sm...p."

L'activité de l'artillerie ennemie se développant, il fallut bientôt songer à évacuer la pauvre vieille. Ceux qui assistèrent à son départ, n'oublieront jamais cette scène émouvante: c' est presque de force qu' il fallut la décider. Ses pauvres nippes furent mises sur une brouette, deux hommes prirent la Joconde par les bras, tandis qu'un troisième traînait sa chèvre. Ce triste cortège s' éloigna bientôt dans la direction de la France par le chemin des "fascines", que tous ceux qui ont occupé le secteur ne sont pas prêts d' oublier.

Mieke Deboeuf fut décorée par le roi Albert de la Croix civique de I° classe. Après la guerre, elle fut reçue et fêtée à Anvers, puis elle retourna à Dixmude, où peu de temps après, elle mourut à l'âge de 75 ans.



Madame Tack


Madame Tack, la « Maman des soldats » (peinture Allard L’Olivier – 1917) (Photographiée par F. De Look)


Lorsque, le 1er juillet 1915, mon régiment changea de secteur pour occuper celui tenu par le 5ème de ligne, entre la borne 21 et le fort de Knokke, nous rencontrâmes à hauteur de la borne 23, commune de Nieuwcapelle, une autre femme qui, elle aussi, s'était accrochée à sa demeure, la "Villa Marietta", située également sur les bords de l'Yser. Tout le monde l'appelait Madame Tack. En réalité elle était la veuve du capitaine d'artillerie François Favarger ( né à Neuchâtel, Suisse, le 25 mars 1848, pensionné le 19 juillet 1869, décédé à Itegem, le 19 août 1883) dont, sans doute, elle avait fait la connaissance lorsque celui-ci tenait garnison à Nieuport.

C' était à l'opposé de "la Joconde", une personne très distinguée, qui, en 1915, avait atteint l'âge respectable de 79 ans, puisqu' elle était née à Nieuwcapelle, le 11 octobre 1836.

Elle possédait une ancienne villa à 20 mètres de l'Yser, mais assez en contrebas, de sorte que, du côté de l'ennemi, on n'en voyait que le toit, qui était d'ailleurs en partie caché par des noyers. Son habitation avait néanmoins été touchée déjà par plusieurs obus, mais sa propriétaire se refusait obstinément à l' évacuer.

Elle était très accueillante pour tous, officiers et soldats, et se faisait un plaisir de partager ses fruits et même son vin avec tous les militaires, qui l'appelèrent bientôt la "Maman des soldats".

Veuve depuis 1883, elle vivait seule avec toute compagnie: un chien, un perroquet, et... un âne. Depuis de nombreuses années, elle aimait faire des promenades "en amazone" sur son baudet et ne voulait pas interrompre son plaisir, malgré le danger et toutes les difficultés qu'elle rencontrait sur sa route: excavations, tranchées et boyaux à franchir; elle allait à travers tout pour faire régulièrement ses emplettes à Loo, ville constamment bombardée, située à deux lieues de là. Quand on lui faisait observer le danger qu'elle encourait d' entreprendre à son âge, un si long et périlleux voyage, sous le bombardement intermittent, elle répondait: "je n' ai pas peur de mourir, mais aussi longtemps que je vis, il faut bien que j' aille chercher à manger pour moi et des friandises pour mes enfants, les soldats."

J'ai déjà dit qu' elle était très accueillante; toutes les visites constituaient pour elle une diversion dans sa solitude. Ayant exprimé le désir de posséder un livre d' or pour y faire signer les nombreuses personnalités de marque qui lui rendaient visite, le médecin du bataillon lui rapporta ce souvenir au retour d'un congé en Angleterre.

Le Roi Albert, la Reine Élisabeth, le roi d' Angleterre, le Prince de Teck, le Président Poincaré, beaucoup de généraux belges et alliés furent invités à y apposer leur signature.

C'est dans les termes suivants que Carlo Tibre racontait, dans le "Claque à Fond" de juin 1918, la rencontre qu' il fit de la digne dame à La Panne, où, par ordre de l'autorité militaire, elle fut évacuée afin d'être mise à l'abri de l' intensification des bombardements dans le secteur du fort de Knokke:

"Madame Tack, douillettement tassée sur son inséparable monture, fait sa promenade quotidienne sur la plage. Elle s'est approchée d'un avion qui a savamment dégringolé du ciel pour venir se poser sur le sable. La stoïque propriétaire de la villa Marietta est toute d' étoffe mauve habillée. Sur son corsage brille une discrète réduction de la Croix de l'ordre de Léopold, et les manches courtes de son vêtement sont frangées de dentelle noire. Sa toque de velours d'où s'échappent quelques mèches de cheveux blancs et un large ruban sombre encadrent un visage souriant et rose, duveté et poudré par la vieillesse. Eh! diable! conterai-je, avec une pointe d'effroi simulé, qu'aux pantoufles à boucles d'argent qui chaussent la vénérable dame sont fixés des éperons qui ne sont certes pas découpés dans du fer blanc!

L' âne est coquet, comme sa maîtresse. Ses yeux de philosophe s'embusquent avec sérénité derrière des oeillères cloutées de cuivre, et sous des pompons rouge, jaune et noir. Voyez-vous encore ses sabots vernis et l' épaisse peau de mouton servant de selle?

Des gosses taquinent sans méchanceté notre maître Aliboron. Un cercle de soldats respectueux s'est formé autour de Madame Tack. Elle s'informe:

- Qu' y a-t-il à l' avion, monsieur?

- Un éclat dans le moteur, Madame.

La glace est rompue. Un jass ose lui demander:

- Et comment se porte la villa Marietta?

- Oh! monsieur, elle est bien trouée. Elle est inhabitable. Il a bien fallu partir. Ce fut pour moi une grande douleur de la voir démolir par les Prussiens.

Et m' interpellant tout à coup:

-Comment va le Général D...

-Bien que je sache.

Un piotte du 16° lui crie:

-Eh! Madame Tack, vous souvenez-vous du jour où votre âne disparut? Quand sa fuite a duré 15 jours?

- Ah! oui, le vagabond!

Elle caresse son grison et conclut en manière d'au revoir:

- Allons! avant que le soir tombe, il faut que nous achevions notre promenade. Allons! Paula, ouste!

Et Madame Tack, sur sa "haquenée" trottinante, s'en fut crâner au bout de la plage, près du flot vert qui s'abat et s'étale en écume blonde."

Le Roi Albert remit personnellement à Mme Tack la Croix de chevalier de l'ordre de Léopold II.

Elle mourut à Bruxelles, le 25 septembre 1927.

L ' image mortuaire que j'ai sous les yeux, porte à juste titre: "Son caractère obligeant, la droiture de son cœur et sa grande affabilité lui ont mérité l'amour et le respect de tous ceux qui l'ont connue."




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MessagePosté le: 03-08-2005 12:00    Sujet du message: Répondre en citant

Le 5° Lanciers est le régiment de cavalerie qui eut a son actif l'honneur de capturer un sous-marin allemand (1). Le 27 juillet 1917, cette unité belge, chargée de la garde de la côte française entre Calais et Boulogne est avertie qu'un sous-marin allemand s'est échoué sur la plage de Wissant entre le cap Blanc Nez et le cap Gris Nez. Un détachement de cavaliers est chargé d'arrêter l'équipage et de le conduire à Calais. Ce fait d'armes unique dans l'histoire militaire suscita l'ironie des fantassins comme en témoigne le rapport rédigé par un commandant du 3° lanciers se plaignant des injures lancées par une compagnie du 11° de ligne qui croisa sur une route du front son escadron. Le rapport fut transmis au général Jacques, commandant de la division à laquelle appartenaient les "délinquants" qui prit des sanctions dont nous trouvons la trace dans sa note adressée le 8 novembre 1917 à son collègue, le général Berheim, commandant de la 1° D.A.

J'ai l'honneur de vous accuser réception de votre lettre du 31 octobre 1917 et de ses documents annexés. J'ai aussitôt prescrit une enquête sévère aux fins de rechercher les coupables des faits relatés par le commandant A.

Il paraît résulter de celle-ci que la manifestation du soldat d'infanterie se serait bornée à une simple plaisanterie et n'aurait eu aucun caractère injurieux à l'égard de la cavalerie. Il aurait crié non: "sous-Marins" mais " Voici les vainqueurs de sous-marins". Quoi qu'il en soit, les mesures suivantes ont été prises: le sous-lieutenant L. , qui dirigeait l'exercice de la compagnie, a été puni de six jours d'arrêts simples pour ne pas avoir réprimé sur-le-champ l'acte discourtois et n'en avoir pas rendu compte à ses chefs. Le soldat B. a été puni de quatre jours de cachot et de 12 jours de retenue de supplément de solde et haute paie de guerre pour avoir apostrophé ses camarades de la cavalerie. Une punition de 8 jours d'arrêt dans la quartier a été infligée à l'adjudant J. du 11° pour les motifs ci-après:

"Commandant un peloton exerçant sur une route, avoir laissé sa troupe "en place-repos" au passage d'un escadron de cavalerie et, un de ses hommes ayant apostrophé discourtoisement les militaires de ce détachement, n'avoir pas cherché à connaître le nom du coupable pour le renseigner à son commandant de compagnie."

De plus j'ai l'honneur de vous faire connaître que des ordres exprès sont donnés pour éviter le retour de pareilles manifestations que je déplore autant que vous-même et qui ne peuvent que nuire à la bonne harmonie entre les armes.

Pas tendre les chefs de la Grande Guerre!


La cavalerie belge ramène l'équipage allemand du sous-marin


Concluons cependant cette histoire bien "belge" en nous penchant sur le sort des sous-mariniers allemands de 14-18. Le récit de l'échouage de l' U. C. 61 à Wissant publié en 1927 (2) et que nous reproduisons ci-dessous nous fait entrevoir les énormes qualités d'endurance et de sang-froid exigées de l'équipage d' un sous-marin... En 1917, il valait certainement mieux se retrouver dans la peau d'un cavalier que dans celle d'un sous-marinier!

L'enseigne de vaisseau Guichard, commandant un groupe de vedettes en surveillance au large du cap Gris-nez, eut, dans la nuit du 25 au 26 juillet 1917, une belle émotion. Par un temps si parfaitement calme, que l'on aurait entendu le moindre son de voix à plus d'un mille et au milieu d'un brouillard si épais qu'il ne distinguait ni l'avant ni l'arrière de sa vedette, le commandant entendit, vers dix heures du matin, le ronronnement caractéristique d'un moteur électrique passant non loin de son bord.


Le sous-marin en attente de la marée ?


"...Nous écoutons, le cœur battant, a-t-il dit une voix rauque qui s'élève et lance un commandement dans lequel je distingue nettement les syllabes recht et auf..."

Dans la brune épaisse les vedettes s'efforcent en vain de découvrir la piste, prêtes à lancer leurs torpilles ou leurs grenades ; mais le brouillard rend folles toutes recherches et le sous-marin, perdu, continue sa route à tâtons...

Il ne devait plus aller bien loin.

Vers cinq heures du matin, le douanier Serin, se trouvant sur la plage de Wissant, entrevit, dans le brouillard une masse noirâtre à quelque distance du bord de l'eau. Réquisitionner la barque de pêche du Patron Ternissien, y grimper avec trois collègues (les douaniers Lambert, Delcroix, et Tedellec) fut chose vite faite. A force de rames, le canot se dirige vers la chose mystérieuse et se trouve bientôt en présence d'un sous-marin qui, tous moteurs en marches, tentait vainement de regagner la haute mer. Sur le pont, une quinzaine de marins, portant des ceintures de sauvetage, travaillaient activement à jeter des munitions à la mer.

Quelle était sa nationalité se demandèrent les douaniers? Aucun signe de reconnaissance ne permettait de l' identifier. Le canot se rapprocha encore un peu et un douanier, se servant de ses mains en guise de porte-voix, s' écria:

-Ohé, du bateau, parlez-vous français?

La réponse étant arrivée affirmative, le douanier Serin demanda:

-Êtes vous Français ou Anglais?

- ...

Et, comme il ne recevait aucune réponse, il insista à nouveau; mais du haut de son poste de commandement, le commandant du sous-marin cria, d'une voix claire, cette réponse classique depuis Waterloo:

-Tu nous em...

Ce n'est sûrement pas un bâtiment de Sa Majesté Britannique pensèrent les douaniers, vexés d'une telle désinvolture. Impuissants devant le nombre, ils firent demi-tour, regagnèrent la plage et prévinrent, par téléphone, toutes les autorités militaires de Calais qu'un sous-marin inconnu, parlant français comme feu Cambronne, était échoué sur la plage de Wissant.

Le sous-marin, qui venait de finir si piteusement sa carrière, était l' UC-61 (commandant: lieutenant de vaisseau Georg Gerth), mouilleur de mines d'un tonnage d'environ 400 tx, long d'une cinquantaine de mètres. Son armement comprenait trois tubes lances-torpilles, un canon de 88 m/m. A chaque croisière, il emportait cinq torpilles, plusieurs centaines d'obus, des bombes à main pour couler les navires non armés et, surtout, dix-huit mines pesant chacune près de deux cents kilos. Disposés à l'avant dans des "puits" verticaux, traversant de part en part le navire, elles pouvaient être immergées automatiquement du poste de commandement sans que le sous-marin fut obligé d' être en surface.

Le bâtiment muni de moteurs à explosions et de moteurs électriques , possédait en outre la T. S. F. Son équipage comprenait trois officiers et 22 hommes. Parmi-ceux-ci se trouvaient trois engagés volontaires de 19 ans et un second pilote qui, en surnombre de l'effectif, faisait sa première sortie et aussi la dernière!...

L' UC-61, construit à Brême, était entré en service à la fin décembre 1916, sous une étoile fort peu brillante. Il avait accompli seulement quatre croisières et commençait sa cinquième lorsqu'il s'échoua. La première croisière est un raid d'entraînement, la seconde par suite d'avaries ne dure que sept jours. Pendant la troisième, l' UC- 61 avait dû plonger à plus de 60 mètres pour échapper aux grenades d'un contre-torpilleur, ce qui, par la grande pression, avait provoqué une rentrée d'eau inquiétante. Lorsqu'il remonte à la surface, il émerge par malchance, près d'un chalutier dont le tir le force à redescendre précipitamment avec une inclinaison telle que l'eau embarquée, avarie les moteurs électriques et les rend inutilisables. L'UC-61 est donc obligé de naviguer en surface et, au bout de trois jours rentre à Zeebrugge sans avoir été aperçu de nos patrouilles, mais après une croisière complètement inutile. Au bout de sept semaines de réparations, il repart. Il est à peine hors de la rade de Zeebrugge qu' il s'avarie dans un filet anglais et fait aussitôt demi-tour. Sa quatrième croisière donne enfin un résultat: elle commence fin juin et dure 18 jours. L'UC-61 mouille des mines aux Pierres-Noires (sur lesquelles, le 27 juin, sautera le cuirassier français Kléber), puis croise dans le golfe de Gascogne et le long de la côte anglaise. Il rentre finalement à Zeebrugge après avoir péniblement couler trois voiliers et deux vapeurs.

Le 25 juillet, l'UC-61 quitte Zeebrugge à une heure de l'après-midi pour sa cinquième croisière. Le commandant avait l'ordre de mouiller des mines devant Boulogne et Le Havre, et de s'établir ensuite en croisière dans l' Atlantique.

Pendant la nuit, il passe le barrage de la côte belge, puis, en surface, suit de très près la côte française à partir de Gravelines et traverse la rade de Calais.

A partir de Sangatte, il navigue très lentement à cause du brouillard et c'est là qu'il passe à quelques mètres de l'étrave du commandant Guichard, noyé, lui aussi, dans la brume épaisse. Le premier pilote (Steuermann) nommé Lengs, ancien pilote des compagnies allemandes de navigation, connaissait bien les atterrages du détroit; il est de veille au poste de commandement pour le passage du cap Gris-Nez.


Vue du kiosque


A 4 h . 20 du matin, le sous-marin talonnait plusieurs fois. Le commandant, qui était à l'intérieur, monta aussitôt sur le pont et crut qu'il avait échoué sur la Bassure de Baas. Lorsque le brouillard se leva un peu, il s'aperçut alors de sa position exacte. A huit cents mètres apparaissaient des villas dispersées dans les dunes autour du mince clocher de Wissant.

Sans perdre de temps, le commandant essaya de se déséchouer à l'aide de tous ses moteurs, puis, pour délester son navire, il fait sortir des deux tubes avants les torpilles, jeter à la mer une grande quantité de projectiles et lancer à toute vitesse ses moteurs en avant, puis, en arrière. Il était trop tard, la mer baissait déjà, abandonnant à son triste sort le grand squale d'acier.

Par T. S. F. , l'UC -61 prévint la station des sous-marins de Brugge de son échouage; puis, sur l'ordre du commandant, se prépara à faire sauter le navire en disposant en différents endroits des bombes destinées à couler les bâtiment non armés. Celles-ci allumées, tout le monde se jeta à l'eau et gagna facilement la plage.

En courant à Wissant téléphoner au Gouverneur de Calais, les douaniers avaient prévenu un poste de cavalerie belge voisin. Celui-ci se hâta d'envoyer sur la plage un détachement de quarante cavaliers en armes. il y arriva juste à temps pour faire prisonnier tout l'équipage. Déjà sur le sous-marin, les premières explosions se faisaient entendre. Le commandant de l' UC-61 déclara alors à un capitaine de l'armée belge qui voulait aller à bord: "...Je vous en prie, n'en faites rien, nous sommes tous ici et mon bateau va sauter d'un moment à l'autre..."


Gros plan du sous-marin


Presque aussitôt, de nouvelles explosions se produisaient, coupant le sous-marin en deux. Les réservoirs de pétrole, ayant pris feu, un immense panache de fumée et de flammes monta vers le ciel. L'arrière du sous-marin est en flammes et, seule, la marée montante éteindra, vers 4 heures de l'après-midi, l'incendie qui a épargné l'avant où les 18 mines et une torpille ne sont pas détruites.

Les autorités militaires ne tardèrent pas à accourir. Le commandant du Front de Mer et le commandant de la marine en arrivant à Wissant trouvèrent l'équipage devant la mairie deWissant.


L'équipage du sous-marin


Les interrogatoires commencèrent aussitôt; entre temps le général Ditte, Gouverneur de Calais, le vice-amiral Ronarc'h, commandant supérieur de la marine de la Z. A. N. , étaient également arrivés. Un service d'ordre fut établi sur la plage pour empêcher toute la population du village d' approcher de l'épave. A l'interrogatoire, seul, un engagé refusa de répondre et se borna à donner son nom. Le commandant de l' UC-61 essaya de déclarer qu'il avait fait le tour de l'Écosse pour venir devant Calais, mais il ne tarda pas à avouer qu'il avait tout simplement franchi le barrage du Pas De Calais pendant la nuit. Il fut ensuite l'un des plus loquaces et s'excusa presque d'être assez mal documenté. La plupart des marins capturés ne cachaient pas une satisfaction évidente de terminer de cette façon une existence à coup sûr rude et pleine de périls.

Lorsque l'on fouilla le "Steurmann" Lengs, qui, lui aussi, parlait fort bien français, il fut trouvé porteur de billets de un franc des chambres de Commerce de Boulogne et de Calais. Il refusa toujours de faire connaître comment ces billets, émis pendant la guerre, étaient en sa possession.

Encadré par un peloton de cavaliers belges, l'équipage de l' UC-61 fut conduit à Calais, officiers en tête, en passant par Hervelinghem et Saint-Inglevert. Il fit une entrée sensationnelle en ville et obtint un vif succès de curiosité. C'étaient tous jeunes gens robustes, de 20 à 28 ans, vêtus d'un complet en toile cirée noire et coiffés d'un béret de même tissu. Par les boulevards Gambetta et Jacquard, on les conduisit à la Citadelle en attendant leur départ pour un camp de prisonniers.

La nouvelle de la capture du sous-marin, très rapidement connue de la population calaisienne, avait provoqué une très vive émotion et une grande satisfaction. Le sous-marin, s'enlisant rapidement dans les sables, une commission d'officiers, s'empressa de prélever sur l'épave, tout ce qui pouvait être intéressant à étudier, notamment, les périscopes, les microphones etc...

Huit mines furent dégagées et transportées au Front de mer de Calais pour y être démontées. Des soutes du sous-marin, les artificiers de l'arsenal avaient extrait 300 obus. Pendant une tempête qui dura deux jours, l'UC-61 s'enfonça brusquement de un mètre cinquante dans le sable, ce qui rendit impossible l'enlèvement de la dernière mine et de la dernière torpille. Pour se débarasser d'une façon pratique de ces deux mille kilos d'explosif, l'on décida que le sous-marin servirait de but à des essais de tir d'un mortier belge nouveau modèle.

Le 4 septembre, le tir s'acheva avec la quinzième bombe, qui provoqua l'explosion de toutes les mines. La déflagration formidable lança, à 80 mètres de hauteur une trombe d'eau de plus de 40 mètres de diamètre se soutenant pendant près de15 secondes. Sous une pareille éruption, une moitié de l'UC-61 se souleva, fit demi-tour et retomba sans dessus dessous. Le sous-marin n'était plus qu'un amas de ferraille.

En 1920, l'épave fut vendue par les soins de l'Inscription Maritime de Calais et adjugée 1.500 francs à un habitant deWissant, M. Charlemagne Honvaut, qui, avec l'aide du chef-artificier Carton, ancien gardien de batterie à Calais, réussit encore à en retirer d'importantes quantités de bronze et de cuivre en y faisant exploser des charges de mélinite. Les débris de l'ancien sous-marin disparaissent maintenant de plus en plus sous les sables; la photographie que nous donnons ci-contre, prise en 1927, en est un saisissant exemple.



(1) Dans l' "Historique du 5° régiment de Lanciers" écrit par Baecken Charles, Maréchal de Logis) on peut lire à la page 131: Le 25 juillet, l' U.G. 61, sous les ordres du Capitaine Gerth, quittait Zeebrugge et franchissait, pendant la nuit, successivement les nouvelles obstructions placées à 180 miles de la côte française et la barrière Good Wins Snox avant d'aller miner Boulogne, le Havre et opérer ensuite dans l'ouest. L'équipage était peu formé, et le capitaine n'avait pas la taille des corsaires de son pays. Il avait déjà franchi le Pas-de-Calais cinq fois, mais la chance cessa de le favoriser et il vint s'échouer à Wissant(...). Tout cet équipage fut capturé et interné à Dunquerke

(2) "Calais pendant la guerre 14-18", Chatelle Albert et Tison G. , Edition Quillet, Calais.

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