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les tongs jaunes

 
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isabelle



Inscrit le: 01 Oct 2006
Messages: 676
Localisation: Rennes

MessagePosté le: 24-11-2006 18:57    Sujet du message: les tongs jaunes Répondre en citant

Les tongs jaunes

France et Eric vont arriver. Ils viennent me chercher pour partir en week-end avec eux, comme très souvent. J’ai cinq ans. Je suis haute comme trois pommes, quatre à la rigueur. Eric, c’est le fils du boucher, dans le village de mon père, il nous connaît bien. Il s’est marié avec France il n’y a pas longtemps. Ils ont vingt-cinq ans tous les deux. Ils sont beaux, ils sont gais et aiment la vie. Je les adore. Ils n’ont pas d’enfants, pas encore. Ils m’emmènent avec eux partout, je sillonne la France. Eric me fait rire il est très drôle, il parle avec tout le monde, plaisante tout le temps, il a un large sourire, de belles dents blanches et des yeux bleus éclatants. Il aime le luxe, tout ce qui brille. Et surtout il m’adore.

C’est le mois de juillet, je suis en vacances chez mes grands-parents, à la ferme. Je suis prête pour partir, j’ai enfilé une jupe courte blanche, mémé m’a peignée avec une raie tirée à la règle, j’ai l’air d’une petite fille modèle, ce que je suis loin d’être d’autant plus que je ressemble à un garçon en jupe. Je suis énervée tant j’ai hâte de partir. Eric m’a dit qu’on allait à la Rochelle, qu’on y ferait mille choses et ça me réjouit. On va rester trois jours. Trois jours de fête pour moi. J’attends dans la cour de ferme, je guette le bruit de leur voiture. C’est une décapotable blanche. Les poules ont l’air d’attendre aussi, elles picorent ici et là, sans prêter attention à moi, elles marchent sur deux pattes précieuses, avec hésitation, les yeux vides et le bec gourmand.

Tout à coup, un ronflement… c’est eux ! Je saute de joie. La voiture est reluisante pour l’occasion. France et Eric aussi. On dirait qu’ils sont habillés pour aller à la noce. Eric porte un costume noir, une chemise blanche et un nœud papillon rouge, on le remarque de loin. Il gare la voiture au milieu de la cour. Les poules, elles, ont eu peur et ont pris leurs pattes à leur cou pour aller picorer plus loin. Elles n’iront pas à la Rochelle, c’est sûr. Je me précipite vers eux, leur saute au cou, je suis couverte de bisous. Eric me tend alors un petit paquet, pour moi. Il est décoré avec un ruban bleu. Ca me fait presque peine de l’ouvrir et de défaire un si joli paquet mais j’avoue que je suis bien pressée de savoir ce qu’il contient. Je le pose sur le capot de la voiture, j’ouvre et je trouve une paire de tongs jaunes. Toutes mes copines en ont et moi j’en rêvais. Eric et France ne peuvent pas imaginer à quel point ils viennent de me faire plaisir. Je suis folle de joie. Je retire mes sandales, je glisse mes pieds, un à un, dans les tongs et je traverse la cour à la manière des mannequins qui présentent un vêtement, en prenant bien soin de mettre en valeur celui-ci. Je marche en regardant mes pieds, mon dieu qu’ils sont beaux ! C’est une merveille, ce sont les plus belles chaussures du monde même si on appelle ça, vulgairement, des claquettes ! Elles claquent sous le talon quand je marche mais ça donne un air de vacances à la démarche et je me fais un malin plaisir à les faire chanter du mieux que je peux. Il faut faire attention de ne pas marcher sur les cailloux, la semelle est fragile, ils s’enfoncent dedans alors je pose mes pieds là où le sol est bien lisse, il ne faudrait surtout pas les abîmer ! Pas déjà ! Je ressemble alors aux poules, je marche comme elles d’un pas hésitant voire contrôlé, sur deux pieds fort précieux.

Ma grand-mère a préparé du café chaud et puis un gâteau aussi, je m’impatiente, il va falloir encore attendre. Pendant qu’ils sont réunis dans la maison, je me mets au volant et je m’imagine sur la nationale, fonçant à deux cents à l’heure et je mime les accélérations, les freinages, les coups de volant, le bruit du moteur, je suis dans une course sans pitié ! Je rêve de conduire un bolide mais je n’ai droit, pour l’instant, qu’aux commandes du tracteur du pépé et ça ne va pas bien vite, pas assez à mon goût. Pour un peu, les poules me doubleraient.

Ca y est, on va partir ! Eric ouvre le coffre, un tout petit coffre, il range ma valise au fond. Ca me sécurise, je suis sûre à présent de faire partie du voyage. Si on prend ma valise, on va me prendre aussi, c’est obligé. Je monte à l’arrière. Il n’y a pas beaucoup de place mais juste assez pour le petit bout de crevette que je suis alors. J’aurais préféré être devant, à côté de Eric mais il y a France, sa femme. Il fait si chaud qu’on va rouler les cheveux au vent. J’ai enfilé une paire de lunettes de soleil, rondes et… vert pomme. C’est pour faire comme Eric qui met toujours des lunettes noires pour conduire et je le trouve beau, il ressemble à un prince. J’ai envie de faire ma princesse moi aussi. Je deviens donc princesse Isabelle, lunettes vert pomme et tongs jaunes. Je vais faire craquer la France entière, c’est certain, d’autant plus que j’ai une raie bien droite sur la tête et une pince dernier cri pour tenir ma mèche. C’est la spécialité de ma grand-mère. La voiture démarre, ça y est, on file vers une grande aventure, je vais au bout du monde, je fais mes adieux aux grands-parents, je roule des yeux derrière mes lunettes de star, mes pieds jubilent à l’intérieur de mes tongs. J’ai un gros paquet de bonbons à côté de moi sur le siège. J’aurai bien le temps de tout manger parce que la Rochelle c’est loin. C’est super. On traverse le village. J’entends le pépé Mathelin qui crie : « Alors Eric ! tu as kidnappé la petiote !». Ca me fait rire. J’adore qu’on me kidnappe comme ça surtout quand mes ravisseurs sont aussi gentils et m’offrent des belles tongs jaunes. Nous voilà sur la « grande route », la nationale, je jubile quand on double les voitures, je regarde les passagers, j’ai les joues gonflées de bonbons, les lunettes qui me mangent la figure, je suis à moitié affalée sur le siège arrière, les pieds en éventail pour mieux admirer mes tongs. C’est un voyage de rêve. La raie si bien tracée par ma grand-mère est partie en vadrouille, la pince ne tient plus que par la grâce du Saint Esprit, le vent a fait son travail de vent. La petite fille modèle, du coup, s’est envolée et ça me convient bien mieux.

La Rochelle ! Mon dieu que c’est beau, c’est la première fois que j’y viens. Mais je suis un peu déçue tout de même. Je m’imaginais une toute petite ville plantée sur une roche, je ne sais pas pourquoi. La ville est grande, la mer est partout, ça me plaît bien. Eric gare la voiture au centre ville, me prend par la main et me dit : « on t’invite dans un grand restaurant ». Une fois dans le restaurant, je me dis qu’il m’a menti, que ce n’est pas grand du tout, c’est même tout petit ! On nous apporte un plateau de fruits de mer, ça ne m’étonne pas parce qu’il y a des filets de pêcheurs et des tableaux avec des bateaux sur les murs. Je me souviens du dessert : une énorme glace au chocolat avec des parapluies plantés dedans. C’est petit comme restaurant mais ils ont des grandes glaces alors ça doit être pour ça que Eric a dit que c’était un grand restaurant. Il n’a pas tellement menti. Je lui pardonne, la glace est bonne.

On va passer les trois jours chez les parents de France, ils habitent au centre ville. Ils ont une belle maison qui fait le coin d’une rue. J’aime bien le grand portail bleu, il nous invite à entrer. Là, c’est pire qu’avec ma grand-mère, on me saute dessus, on me mange de bisous, on me donne des gâteaux et le comble : on me recoiffe ! Non ! Pas ça ! Il fallait laisser mes cheveux en bataille ! Le soir, après le dîner, je vais dans la chambre qu’on m’a préparée, j’enfile mon pyjama bleu et je trouve qu’il va à ravir avec mes tongs jaunes aussi je les garde aux pieds et me dit que ça serait un crime que de les ôter pour dormir. Je me couche avec. C’est sans doute la seule fois de ma vie où j’ai dormi avec mes chaussures.

Le lendemain, il fait toujours aussi chaud. A côté de la maison, se trouve justement la piscine municipale, quel bonheur pour moi, j’adore l’eau. Yannick a envie d’y aller aussi. On y va ensemble, j’ai enfilé mon maillot de bain rose, mes lunettes vertes et mes tongs jaunes. Je passe inaperçue bien sûr. On s’arrête à la caisse. Je n’arrive pas à la hauteur du guichet. Je trouve que c’est bien comme ça on ne me verra pas et ça sera gratuit pour moi. La piscine est découverte, il y a un monde fou, ça me fait peur, je vais me perdre, je ne lâche pas Eric d’une semelle et c’est bien le cas de le dire car j’ai gardé mes tongs malgré l’interdiction. Elles sont à moi, mes pieds sont beaux et pas question que je les laisse à des mains inconnues pendant que je me baigne. J’ai aussi, bien entendu, gardé mes lunettes vert pomme. Je me baigne ainsi parée, je n’ai pas conscience de mon ridicule, au contraire, je me trouve la plus belle du monde et je me félicite d’avoir enfreint le règlement de la piscine. En plus, je suis persuadée d’être entrée sans payer puisqu’on ne m’a pas vue passer.

Tout l’été, mes tongs ont coulé des jours heureux à mes pieds et je ne sais pas si elles ont eu conscience de la chance qu’elles avaient car je n’ai jamais aimé autant une autre paire de chaussures. C’est normal, elles étaient jaunes, elles laissaient voir mes pieds et en plus elles claquaient très fort à chaque pas.

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Annick



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MessagePosté le: 24-11-2006 22:48    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai adoré ce récit plein de fraîcheur !

Aucun doute, tu devais être la plus belle en tongs jaunes, lunettes vert pomme et maillot de bain rose ...une vraie star d'Hollywood !
Razz
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isabelle



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MessagePosté le: 25-11-2006 14:33    Sujet du message: Répondre en citant

ah oui alors si tu m'avais vue ! Dommage qu'il n'y ait pas une photo de moi à ce moment là, vous auriez rigolé !

merci Annick je te fais plein de gros bisous

isa

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Jan Goure



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MessagePosté le: 25-11-2006 15:38    Sujet du message: Répondre en citant

Isabelle,

Des tongs jaunes à l'époque
où tu jouais avec des billes
'bleues'. Relu avec autant de
plaisir...
Bisous

Jan Wink
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