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La dame aux chats

 
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Auteur Message
isabelle



Inscrit le: 01 Oct 2006
Messages: 676
Localisation: Rennes

MessagePosté le: 24-10-2006 20:39    Sujet du message: La dame aux chats Répondre en citant

La dame aux chats


C’est l’été, nous sommes en plein mois d’août. Il fait une chaleur étouffante, je suis dans un petit village accroché à la montagne ardéchoise. J’y viens tous les ans. C’est un village adorable, sa petite place est ombragée par de magnifiques platanes. On y découvre, en plein milieu, une fontaine toute ronde, en pierres, son eau est limpide, transparente. Les étés sont très chauds ici. Heureusement, la rivière est là, belle et fraîche, vive comme une petite fille spontanée, c’est l’Ardèche. A la sortie du village se dresse un pont, splendide et majestueux, il fait partie du paysage comme s’il avait toujours été là, comme s’il était né avec la montagne. J’aime ce pont, j’aime ses vieilles pierres qui racontent mille histoires quand je les caresse. Elles sont douces au toucher comme si elles étaient devenues lisses avec l’âge.

J’aime traverser le pont et m’y pencher. La première fois que j’y suis allée, que j’ai découvert ce village, je me souviens d’être restée là un très long moment jusqu’à oublier le temps. J’étais subjuguée, aspirée par la beauté de l’endroit, captivée par le clapotis de l’eau, sa couleur bleue et verte à la fois… magique ! Lieu où l’on se sent tout simplement bien et en harmonie avec l’espace, le temps et la nature.

Au bout du pont, assez haut tout de même, une maison est accrochée au flanc de la montagne. Elle fait corps avec elle. Une drôle de maison qui a aussitôt attiré mon attention. On dirait qu’elle est hantée et j’adore les maisons hantées pour peu qu’on ne me demande pas d’y vivre ni d’y passer une seule nuit ! Elle s’élève sur trois étages mais j’ai l’impression que la cave est au grenier et le grenier dans le lieu de vie… toutes les fenêtres sont décorées de toiles d’araignées, les carreaux sont si dégoûtants qu’on n’y voit plus rien au travers et les rideaux semblent rongés par les mites… ça n’engage pas à se faire inviter. Sur le seuil de la maison, c’est un capharnaüm monstrueux qui réunit à peu près tous les ustensiles de cuisine qui peuvent exister, toutes les variétés de balais, de poubelles, de caisses… des caisses, il y en a partout et dans chacune dorment au moins deux ou trois chats, des gros, des petits, des doux, des sauvages… ils sont chez eux parce que leurs gamelles sont dispersées ici et là, il y a de quoi nourrir un bataillon de chats. D’ailleurs c’est bien ça, c’est un bataillon de chats !

Comment ne pas pousser ma curiosité jusqu’à avoir envie de savoir qui se cache dans cette maison si particulière et squattée par des araignées et des chats ? Il faut que je sache, que je voie, que je lui parle, il ne peut en être autrement. Je m’imagine alors un vieux monsieur veuf depuis des lustres et qui ne connaît rien aux arts ménagers… ou alors c’est un couple d’originaux comme on en trouve souvent en Ardèche ? Je décide de m’asseoir souvent sur le rebord du pont juste en face de la maison et d’attendre la sortie de la « bête » car elle va bien finir par sortir à un moment ou à un autre. La « bête » ira bien faire des courses, au moins pour acheter à manger à ses chats car j’ai bien vu que ce sont des croquettes comme on trouve au supermarché et pas des croquettes de sorcière. Il y a une grande différence entre les deux variétés. Je le sais moi.

La porte d’entrée est inaccessible, encombrée par une montagne de paniers en osiers remplis de mille choses diverses, on dirait plutôt un dépotoir d’objets inutiles que l’habitant a posés là en passant simplement le bras par la petite fenêtre. Les gens qui passent, tout comme moi, s’arrêtent et essaient de faire une sorte d’inventaire. Seuls les chats semblent tout à fait aux anges dans ce décor qui est le leur et auquel ils sont habitués : un panier de vieux clous ici, un panier de pommes par-là, un panier de chiffons en haut, un panier de vieux sacs plastiques en bas, et entre eux on trouve un panier de chats coincé entre quelques balais dont les poils sont partis on ne sait où, ils ont apparemment la tête très clairsemée et on aurait bien du mal à les imaginer ébouriffés. Pourtant, l’occupant ne semble pas être un fou du ménage et je me demande comment il peut user autant de balais ? Sans doute est-ce quelqu’un qui balaie devant sa porte plus que les autres et il doit, alors, balayer entre les caisses, paniers, boîtes, ustensiles et pots de fleurs ! Parlons-en des pots de fleurs ! Il y en a partout, de toutes les tailles, toutes les couleurs… mais tous occupés par des plantes vertes desséchées et mortes de soif.

Et puis un jour, mon vœu s’exauce : l’habitant sort enfin de sa tanière, devant mes yeux écarquillés, mon appareil photo dégainé et prêt à tirer en plusieurs exemplaires l’objet de mes plus folles attentes ! Je vois la fenêtre s’ouvrir ! Les carreaux noirs de crasse laissent entrevoir une silhouette : c’est celle d’une femme ! Elle enjambe la fenêtre pour sortir de chez elle ! C’est obligé, la porte d’entrée est condamnée ! Je suis stupéfaite, stoïque, j’ai baissé mon « arme à photos », je suis absorbée par un spectacle peu commun… c’est une vieille femme, l’allure toutefois alerte, elle porte une blouse de ménagère, des gros chaussons de feutre, elle a des jambes maigrichonnes, griffées et sales comme les carreaux, des cheveux courts ébouriffés qui tiennent debout par habitude et j’imagine la colonie de bestioles qui doit habiter parmi les mèches collées ! Beurk ! Je m’aperçois qu’elle porte aussi des lunettes auxquelles il manque un verre et une branche mais elles semblent bien accrochées malgré tout…

De l’endroit où je suis assise, je peux l’observer aisément, ça fait juste quelques mètres, le pont est étroit. La vieille femme fouille dans son bric-à-brac et en sort une espèce de petite planche avec deux roulettes dessous. Qu’est-ce que ça peut bien être ? Mystère ! Et je la vois qui repasse par la fenêtre pour rentrer chez elle, elle disparaît un moment puis réapparaît… avec un teckel vieux comme le monde, énorme comme s’il avait passé sa vie à manger dans les gamelles de tous les chats… Elle le pose à terre, il ne tient pas debout, je me rends compte alors qu’il lui manque les deux pattes de derrière ! On dit de ces chiens qu’ils sont des « saucissons à quatre pattes » mais celui-là, visiblement, en est un à deux pattes. Il est au sol, assis sur son postérieur par la grâce du Saint-Esprit et il regarde sa maîtresse en penchant la tête avec un regard d’amour incomparable. Je n’ai jamais oublié le regard de ce chien d’ailleurs. Je vois la vieille dame saisir la planche à roulettes, attraper le chien, le soulever, lui poser l’arrière-train sur la planche et la lui attacher autour du ventre avec des cordelettes ! Là, je me dis « mais elle est folle ! ». Et bien pas tant que cela… deux minutes après, je les regarde tous les deux s’en aller sur la petite route qui mène au centre du village, la vieille dame devant, le chien en laisse derrière, les deux pattes avant en action et le reste sur roulettes ! Je crois que j’ai dû rire tout mon comptant à ce moment !

Il fait une chaleur torride. J’ai une envie folle de les suivre, comment m’en empêcher ? Ils s’arrêtent devant une fontaine. La dame attrape le chien sur roulettes et plonge le tout dans la fontaine en disant « Allez, hop ! Ca te va faire du bien ça mon pauvre trésor à mémé ». Je me dis alors « il va être effrayé le pauvre chien !». Eh bien même pas ! Il en ressort frais comme un gardon, heureux comme pas deux et repart de plus belle sur ses deux pattes et ses roulettes, battant de la queue à tout va. Dieu merci, il avait dû garder sa queue dans l’accident. Il aurait été alors fort à parier que s’il l’avait perdue, la vieille dame aurait trouvé un autre subterfuge pour la lui remplacer !

Je suis le petit convoi exceptionnel jusqu’à son domicile, je dois faire le tour du village et regarder les touristes stupéfaits qui n’en peuvent plus de rire. La vieille dame s’arrête devant sa maison, je m’arrête aussi. J’ai trop envie de lui parler et de passer un moment en sa compagnie. J’ai bien fait de m’arrêter ! J’ai le droit de caresser les chats, d’en prendre dans mes bras, de caresser le chien qui roule, et ô miracle, d’être invitée dans la demeure hantée ! Ce jour-là je suis en jupe bien blanche… ça ne m’arrange pas trop mais ma curiosité se moque bien de l’état dans lequel je risque fort de ressortir et je me dis que je vais devoir enjamber la fenêtre… je me prépare psychologiquement. Mais quelle n’est pas ma surprise de voir la dame balancer toutes les caisses et paniers qui obstruent l’entrée, pour m’ouvrir la porte ! De toute évidence, elle ne doit pas avoir souvent d’invités car la porte ne s’ouvre que grâce à quelques coups de pieds bien envoyés. L’habitante est peut-être crasseuse et bordélique mais elle a une certaine éducation, quand même. J’apprécie de pouvoir sauver ma jupe. Nous restons discuter dans l’entrée, juste dans l’entrée… je ferais n’importe quoi pour aller visiter toutes les pièces. Ma frustration est immense. Je ne verrai donc pas le décor qui se cache derrière les carreaux sales. Mon imagination continue encore aujourd’hui à travailler. Mais j’ai pu l’entendre me raconter l’histoire de chacun de ses chats, tous abandonnés autour du village. Elle recueille tout ce qui miaule et trouve un panier pour chacun, c’est le royaume des chats.

Je la croise souvent dans le village, elle a toujours plusieurs chats dans les bras et parfois même dans ses poches quand ils sont tout petits ! Un voisin m’a dit une fois « ah mais c’est la dame aux chats, notre vedette locale ! ». Je n’étais donc pas toute seule à la trouver bizarre et extraordinaire à la fois. Les gens parlent d’elle avec une lumière dans les yeux et une grande tendresse et c’est comme si tout à coup, les carreaux devenaient transparents, les rideaux flambants neufs et blancs…

La dernière fois que j’ai discuté avec elle, elle était habillée en noir, elle m’a dit « je porte le deuil de mon patatouf, il est mort cet été ». Mais Patatouf aura malgré tout coulé des jours heureux, sur deux pattes et deux roulettes, grâce à sa maîtresse un peu particulière.

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Jan Goure



Inscrit le: 18 Juil 2006
Messages: 1865

MessagePosté le: 25-10-2006 14:11    Sujet du message: Répondre en citant

Isa,

J'ai relu avec plaisir les prouesses et les aléas qui parsemèrent
la vie de cette dame aux chats...
J'en connais une, plus jeune toutefois, mais qui ne vit aussi que par et pour les chats... et ils le lui rendent bien !
Du chat, Baudelaire en a si bien parlé...
Je les aime pour leur personnalité !

Bises d'amitié

Jan Rolling Eyes
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mamiero



Inscrit le: 16 Aoû 2006
Messages: 2128

MessagePosté le: 28-10-2006 18:41    Sujet du message: Répondre en citant

À une dame créole Au pays parfumé que le soleil caresse,
J'ai connu, sous un dais d'arbres tout empourprés
Et de palmiers d'où pleut sur les yeux la paresse,
Une dame créole aux charmes ignorés.

Son teint est pâle et chaud; la brune enchanteresse
A dans le cou des airs noblement maniérés;
Grande et svelte en marchant comme une chasseresse,
Son sourire est tranquille et ses yeux assurés.

Si vous alliez, Madame, au vrai pays de gloire,
Sur les bords de la Seine ou de la verte Loire,
Belle digne d'orner les antiques manoirs,

Vous feriez, à l'abri des ombreuses retraites,
Germer mille sonnets dans le coeur des poètes,
Que vos grands yeux rendraient plus soumis que vos noirs.

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