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Posté le: 07-09-2006 11:14 Sujet du message: Je ne sais pas écrire de poèmes mais ...
il m'arrive d'écrire des nouvelles. Non que je n'aime pas la poésie, elle me nourrit et pas un jour ne passe sans que j'en lise ou relise une qui a su me toucher.
Mais c'est un genre dans lequel je ne me sens pas à l'aise au plan de l'écriture.
Donc pour faire court, je vous envoie une nouvelle...
Le vieux garçon …
Pierre-Louis Abgrall n’avait jamais été marié. La ferme où il avait vécu avec ses parents et son cadet Guillaume était tout juste assez prospère pour les nourrir tous les quatre. Distante d’une quinzaine de kilomètres du bourg de Braspart, il n’avait eu l’occasion de se rendre en ville qu’une ou deux fois l’an, aux foires, quand il y avait une bête à vendre. La vie était rude pour les petits paysans de la montagne et les priorités n’étaient pas situées sous les jupons de dentelle des filles pour les garçons d’alors.
Les parents étaient morts, usés par la terre. Guillaume avait trouvé femme de raison sur le tard et il s’était empressé de faire trois enfants. Ces semailles là, Pierre-Louis n’avait pas su les réaliser et sa jeunesse s’était passée sans l’ombre d’une belle à regarder passer. Il était solitaire par la force des choses et enclin aux rêveries par goût. Son ouvrage terminé, il aimait à marcher sur les chemins qui traversaient bocages, landes ou monts pour lire sur le sol la vie écrite de l’univers, chaque jour d’une encre différente.
Tout lui était émerveillement, des premières anémones sauvages à la reinette égarée loin de son étang, du pic-épeiche s’acharnant avec obstination au tronc noueux d’un vieux chêne, au lapin de garenne regagnant sa coulée. Il aimait ces moments de grand isolement où à l’abri des sempiternelles remarques fraternelles, « Pierre-Louis, tu rêves encore ! » Il pensait à la vie qu’il aurait pu avoir, à celle qu’il aurait peut-être un jour quand il l’aurait rencontrée, celle qui était faite pour lui.
Elle ne remarquerait pas sa petite taille, sa boiterie, sa tête comme posée de guingois entre ses épaules. Elle ne verrait que ses yeux indigo comme la mer du soir, ses lèvres douces préservées pour elle des autres femmes et des mauvaises paroles.
Depuis quarante années, il lui composait des poésies qu’il n’aurait osées dire à personne de peur de paraître niais. Il avait la passion des mots, de leur assemblage en vers, de leur musique quand ils s’accordaient bien entre eux. Il les cultivait dans des cahiers cachés comme d’autres les perles et il éprouvait le même plaisir à les coucher sur le papier qu’un joaillier à assembler en sautoir les précieuses concrétions.
Alors qu’il atteignait sa soixante treizième année, une petite maison du hameau fut vendue à un couple de parisiens qui envisageait d’en faire une résidence secondaire. Les deux familles sympathisèrent puis se lièrent d’une amitié authentique.
L’homme s’appelait Jean. La femme se prénommait Elie. Pierre-Louis la rencontrait souvent lors de ses promenades. Comme lui, elle avait le don de s’intéresser aux choses simples, de s’émerveiller d’un rien. Bientôt leurs rencontres ne durent plus rien au hasard et il osa venir la chercher pour lui faire découvrir plus vite la beauté qu’il avait mis une vie à appréhender, pour qu’elle ne perde pas son temps sur les routes goudronnées ou chez quelque fâcheux mal intentionné. Quand il arrivait chez elle, il demandait à Jean :
- Je vous souhaite la bonne journée Jean, le soleil n’est pas encore trop haut. Permettrez-vous à Elie de venir marcher avec moi ?
Il apprit à Elie tous ses secrets, ses chemins favoris, ses ruisseaux à cresson, ses arbres à gui, ses chapelles abandonnées aux ronces et aux églantines. Parfois, il lui disait un de ses poèmes. Elie applaudissait, admirative, et elle lui demandait souvent de lui prêter le livre d’où venait les vers magiques. Elle ne semblait jamais dérangée par son corps contrefait lorsqu’on les voyait ensemble. Elle lui avait dit un jour qu’il avait le plus beau regard du monde et elle avait ajouté avec malice :
- Ah Pierre, comme j’aurais aimé m’y noyer si j’avais eu trente ans de moins !
Puis, devant l’émotion de l’homme, elle s’était enfuie en courant, prétextant une course à faire au bourg.
Pour Pierre-Louis, elle était neuve, elle était celle qu’il avait toujours attendue. Il n’avait remarqué ni les fils blancs qui parsemaient sa chevelure ni les rides qui plissaient si joliment la commissure de ses lèvres lorsqu’elle souriait. Le fait qu’elle fût mariée déjà, qu’elle habitât si loin de lui les deux tiers de l’année ne le dérangeait pas. Son rêve avait un corps, un visage, deux longues jambes brunes qui foulaient l’herbe, un sourire, une âme.
Elie n’était pas dupe des sentiments qu’elle lui inspirait. Elle en parlait souvent à Jean :
- Rends-toi compte comme c’est délicieux à cinquante ans passés d’inspirer une telle passion à un grand-père …
Tout cela était dit sans moquerie ni mépris car aussi bien Elie que Jean avaient un grand respect pour Pierre-Louis, sa bonté et sa grande culture des mystères de la terre.
Les années passaient. De Noëls brumeux en étés flamboyants, les uns s’acheminaient vers l’âge mûr, les autres vers une plus grande vieillesse.
Un matin d’avril à Paris, Elie reçut un appel téléphonique de Guillaume. Pierre-Louis était alité et souffrant. Elle prit le premier train et le soir elle était à son chevet. Pâle et oppressé, il l’accueillit pourtant avec le même sourire empreint de tendresse. Pour la première fois, il joignit sa main à celle de la femme, il lui dit comme il était content qu’elle soit venue pour lui. Puis il récita :
« Le rossignol de nuit dit à l’alouette :
« Pourquoi vous presser de monter aux cieux
« Quand paraît l’aurore ?
« Et l’oiseau Saint-Pierre a répondu :
« Les portes de là-haut, je dois les ouvrir … » (Poésie de Per Jakez Hélias)
- Pourquoi t’interrompre, Pierre, continue, parle-moi encore …
- Ce soir, je suis l’alouette ma douce, l’oiseau-clé comme on dit ici. Tu vas continuer à chanter comme le rossignol dans le beau printemps qui arrive, mais moi je sais que je ne redescendrai pas demain.
Fatigué, Pierre-Louis puisa dans le silence quelques forces pour vivre encore un peu. Les larmes d’Elie s’étaient mises à couler doucement sans qu’elle puisse les retenir et des gouttes de chagrin tombaient sur le visage du vieil homme. Elle eut un geste pour l’éponger. Il arrêta sa main.
- Laisse … C’est un présent que tu me fais cette eau qui ruisselle de toi.
Alors Elie se pencha au-dessus de Pierre et déposa un baiser sur ses lèvres, son premier baiser d'amante. Elle s’allongea près de lui, prit le vieux corps dans ses bras et l’entoura de sa chaleur. Ils passèrent la nuit mêlés l’un à l’autre, toute une nuit, toute une vie à se respirer, à se toucher, à se dire des mots graves.
Au matin, Elie sentit Pierre-Louis se détendre, à jamais serein. Elle ouvrit la fenêtre sur le jour. Les alouettes chantaient haut dans le ciel.
Après l’enterrement de Pierre, dans le cimetière où les gens recommençaient à parler en gagnant la sortie, Elie sentit un regard peser sur elle. C’était Guillaume qui lui souriait à travers ses cils embués. Il s’approcha d’elle, mit son bras sous le sien, et doucement il murmura à son oreille :
- Merci Elie, jamais un homme n’aura eu de si belles noces.
Louve
_________________ Une leçon, ça ne se donne pas, ça se partage.
c'est une bien jolie Histoire..........que j aurai bien aimé vivre...............qu'il est doux d avoir un ami....... sans âge........sur qui poser son coeur tout simplement.........
oui........c'est une bien jolie histoire, que celle ELIE et de PIERRE-LOUIS......... _________________ poete_musika..4 mains
Posté le: 09-09-2006 15:52 Sujet du message: Les poèsies
Pour faire une poésie,c'est dur et c'est facil.C'est dur car il faut mettre le meme nombre de syllabes dans chaque ligne et essayer de chanter tes vers en conservant le rythme et la cadence.Mais c'est facile car tu peux jouer sur les mots et expressions pour que ça convient aux flux de la musique qui s'écoule de tes vers.
Essaie et a la longue tu vas pouvoir maitriser c²ette technique qui n'est pas trés dure a s'adapter a tes besoins car notre langue et trés riche en tournure des mots et en vocabulaires.
Bonne chance et ne te décourage pas
C'est magnifique cette nouvelle que tu as écrite !
Pleine d'émotion et de tendresse.
J'en ai les larmes aux yeux.
Je crois que c'est cela l'amour, nul besoin de don physique de soi entre ces deux êtres. _________________
" Le bonheur ne court pas le monde; il faut vivre où l'on est heureux "
peut-être qu'avec nous, tu vas retrouver le goût de l écriture......
moi aussi, j aime bien écrire..........un peu comme une gamine, il me faut mon cahier de classe..........
j'aime bien sur les cahiers. _________________ poete_musika..4 mains
Posté le: 11-09-2006 14:20 Sujet du message: réponse
c'est trés beau cette histoire ,je suis comme toi j'adore la poèsie mais je suis incapable d'en écrire alors je vais sur le net et je chercher celles qui pourraient vous plaire _________________
Inscrit le: 26 Mai 2006 Messages: 111 Localisation: au milieu des pins
Posté le: 14-09-2006 12:09 Sujet du message:
Oufff Louve..j'ai moi aussi une grande émotion à lire ton texte...il va me suivre longtemps je crois!
Merci de ce merveilleux cadeau que tu nous as offert là...un si beau rêve que certains/es aimeraient bien vivre dans la réalité...
oui.........c'est vrai...........un rêve comme tu dis............
alors, laissons le............ au rêve..........les rêves sont ce qu'il y a de plus beau dans la vie................
et, au moins.............on ne l oubliera jamais......ce rêve... _________________ poete_musika..4 mains
Posté le: 14-09-2006 13:15 Sujet du message: poèsie
ce trés beau texte de LOUVE nous ouvre les portes du rève, hélas le réveil est souvent douloureux, car les rêves passent au réveil dommage!!!!! _________________
Merci mes petites chéries, Gaïa, Moregan, Marie, Musika ... pour vos compliments, touchée au coeur.
Pour dire vrai, ce texte m'a été inspiré par deux vieux garçons que j'ai connus ici dans la montagne bretonne et avec lesquels j'ai eu des relations exceptionnelles d'amitié.
C'est en grande partie brodé, mais les mots ne sont-ils pas la broderie de nos rêves éveillés, les seuls, les vrais ?
Pourquoi les réveils seraient-ils toujours douloureux, Marie ? Je t'assure qu'il y en a qui ne le sont pas.
Eh, Musika, tu montres le bas maintenant ? Pas mal non plus ...
Je vous embrasse
Louve
_________________ Une leçon, ça ne se donne pas, ça se partage.
[b]c'est vrai le rêve est telement agréable et puis Louve tu t'exprimes si bien , j'avoue que je t'envie car moi j'ai du mal à exprimer toutes les choses folles qui me passent par la tête et qui m'aident à vivre.[/b] _________________
Tout vient à point à qui sait attendre!
Inscrit le: 16 Sep 2006 Messages: 1075 Localisation: val d'oise
Posté le: 20-09-2006 14:22 Sujet du message: Poésie
Wahou.... quel beau texte louve c'est un plaisir de venir lire ce texte fabuleux
j'aime beaucoup il y a de la recherche et l'histoire vous prend au corp
et au coeur
félicitations louve
très inspiré par ces deux vieux garçons ,c'est très certain.
Qui ne brode pas un peu dans un texte c'est l'art de l'écrivain .
Encore bravo
_________________
Sage l'homme qui connaît ses limites
Dernière édition par Celan le 20-09-2006 19:31; édité 1 fois
Ne crois-tu pas que comme l’a écrit Molière pour son monsieur Jourdain : « Tout ce qui est prose, n’est pas vers… » et il y a déjà tellement de rubriques que scinder la « littérature » en plusieurs parties : romans, nouvelles, etc… me semble superflu ?
Ta nouvelle car c’en est une, méritait mieux qu’une lecture rapide, et un petit commentaire au vol !
Ce Pierre-Louis est un homme de la terre, un vrai. Leurs cogitations et réflexions sur le monde qui les entoure en font des sages et qui savent regarder alentour sans trop fantasmer sur un monde extérieur factice malgré ses lumières et ses facilités…
Et cette passion des mots et de leur assemblage, n’est-ce pas notre ‘dada’ à nous tous qui osons les coucher sur le papier ?
Il n’est jamais trop tard pour bien faire, ce qu’on se dit quand à 73 ans, de par une occasion qui ne s’était jamais présentée, il a la chance de guider ces Parisiens aux champs et leur retour aux sources du terroir…Mais voilà, c’était ‘Elle’ et elle s’intéressait à lui ! jusqu’à laisser échapper une petite phrase un peu perverse, sur ce qui aurait pu être ‘si’…et le fait de s’en ouvrir à son mari
Ne changeait rien à l’éternel plaisir de la séduction qui sont en ‘elles’ !
Comment P. L n’en aurait-il pas été profondément troublé ?
Et trouvé une concrétisation et une réalité à ses rêves de toujours…
Et cela se termine en conte de fée, car ils n’ont pas d’âge. Cette histoire nous fait un peu rêver à notre tour… cela m’a fait penser à ces jolis vers de G. Apollinaire que tu as lu sans doute :
« J’ai cueilli ce brin de bruyère
L’automne est morte, souviens-t’en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps, brin de bruyère
Mais souviens-toi que je t’attends… »
Dans un ‘ailleurs’ qu’on leur souhaite
Et à toi, merci, pour cette belle histoire…
Jan
Mais non, amie
C'était une suggestion pour l'avenir...
Qui suis-je pour 'exiger' ?
Nouveau, et pas plus versé que vous
sur les aspirations des participants !
En toute amitié
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